Mon Petit Ciel

Par FreeQuency. Photo de Mariam Armisen

I.

Ma copine m’appelle Mon Petit Ciel. Pour elle, mon sourire est un soleil levant ; ma dépression, un nuage sombre, toujours suspendu sur mes horizons ; mes craintes, un
brouillard, s’insinuant et m’aveuglant avant que je ne puisse me rendre compte de son épaisseur.

Elle ignore à quel point j’apprécie être considérée comme l’intégralité du ciel lorsque toute ma vie, je n’ai été aimée qu’en tant que soleil. Elle ignore comment les gens venaient à moi pour ma chaleur, mais se dérobaient des frissons de ma tristesse ; comment ils m’aimaient lorsque mon rire soufflait une brise estivale, mais se cachaient des vents violents de mon cœur.

J’ai passé tellement de temps à rayonner pour eux que j’ai oublié que je devais être aimée même quand je suis tempête, transformant ma tristesse en océan ; même quand je suis la
plus obscure des nuits, oubliant que j’ai toujours possédé l’étoile polaire.

II.

Mon ex copine avait l’habitude de m’appeler Mon Petit Ciel.

J’avais commencé à la croire.

Mais quand on se prend pour le ciel, il est difficile de revenir sur terre sans avoir l’impression d’être une comète en pleine chute ; un Atlas sans défense qui ne peut supporter le poids d’être le ciel ; qui ne peut même pas relever la tête pour voir la beauté de tout ce qu’elle détient.

III.

Mon ex copine m’appelle encore parfois Mon Petit Ciel. Désormais, il est plus difficile de l’entendre à travers l’ouragan de douleur que j’avais appris, il y a bien longtemps, à
accepter comme prévisions quotidiennes. Parfois, quand nous nous parlons, je suis dans l’œil de mes cyclones, et dans ces moments-là, je me rends compte qu’elle aussi a toujours été ciel. Que toutes deux, nous ne sommes que climats. Chaque émotion, une nouvelle page dans l’almanach de cette chose que nous appelons la vie.

Je me demande si, comme moi, ses cieux gris lui font oublier qu’ils avaient une fois eu un soleil radieux.

J’aimerais bien le lui rappeler, mais il s’est écoulé tellement de temps depuis la dernière fois que j’ai senti la chaleur de mes propres rayons.

Tellement de temps depuis la dernière fois que je me suis sentie tel un ciel pouvant contenir un soleil,

Ou même, juste un ciel.