Dans la chaleur des nuits queer camerounaises
Par Nickel L.
Si vous aimez avoir les étoiles dans les yeux et le soleil plein le cœur, alors prenez le temps d’aller à la découverte d’un Douala ou d’un Yaoundé by night…
Un petit détour dans un des nombreux espaces de vie nocturne de ces belles cités vous offrira un merveilleux voyage dans l’univers cosmopolite des modes et des styles de la communauté LGBTI camerounaise. Attachez bien vos ceintures et ouvrez grand vos yeux car le voyage risque bien d’être inoubliable.
De Akwa à Deido ou d’Essos à Bastos vous les verrez… que dis-je, vous les contemplerez nul/sans aucun doute car, captiver vos regards, est leur domaine de prédilection. Rivalisant d’imagination et de créativité, leurs agencements vestimentaires parfois simples ou spectaculaires ont pour ultime finalité d’apporter la « GAY-TOUCH » qui déclenchera les « GAY-DAR ».
Cette débauche de style oscille entre différents extrêmes de la mode. Aussi à l’aise dans un style BCBG classique comme dans un look gothique métallique, ici on y trouve un peu de tout dans tous.
Tels des felins, ces anges démoniaques surfent dans tous les grands registres de mode, la fantaisie ne manquant jamais au rendez-vous.
Vêtement de créateur ou prêt à porter, fripperie ou commande particulière, la mode ici est avant tout une passion, si ce n’est une obsession. Le but de ce jeu étant de s’affirmer dans son environnement. Bien plus qu’une simple question d’identité vestimentaire, alors.
C’est un pur bonheur pour les yeux que d’être invité au bal de la « Michel ». Les soirées offertes par cette icône du milieu vous donne à voir un large panel de tous les stéréotypes vestimentaires des LGBTI du Cameroun. De … à …
Ici, il est vite facile de se perdre dans les dédales de ce monde fantasmagorique, ou il faut une initiation particulière pour vous ouvrir les portes de cette cour de miracle aux codes si simples mais secrets.
Montrez-moi ce qu’ils portent et je vous dirai qui ils sont. Dans cette féerie vivante laissez-moi vous présentez à leur seigneuries.
LE PSEUDO HETERO OU LE KOUDJE DISCRET : il traine avec les hétéros, est coiffé à l’hétéro, pretend ne sortir que dans les milieux hétéros. Cet adonis voue un culte au look blouson et sweat, collectionnant les tee-shirts d’un classique barbant, et aimant à l’occasion taquiner le costume demi saison ou intégral qu’il accompagne de jolies mocassins. Le tout couleur d’homme, il va de soi.
LA MAMY SITA OU LA COCO : ce passif assumé qui, de la tête aux pieds vous chantera l’hymne de sa revendication, ne manquant jamais au travers de ces jeans et autres pantalons slims colorés ou de ses tee-shirts échancrés taillés dans des imprimés floraux, de rappeler au monde sa part de féminité. Coiffures sophistiquées avec mèches de couleurs. Vous avez parlé de couleurs ? Pour elle, la couleur se conjugue et se vit dans tous les temps. Faites attention aux regards colorés de lentilles multi chromées de ces gorgones des temps modernes.
LE POISSON BRAISE OU VERSATILE : Hétéro ou gay ? Actif ou passif ? Navigant avec délectation entre les différents pans de son orientation sexuelle, son look contribue à brouiller les cartes. Il est adepte de tout type de vêtements qu’il concocte à sa sauce. Débardeur ou chemise, polo ou costume, tout son secret réside dans ses transparences suggestives. Ses pantalons de lin ou jeans dont la taille glisse en douceur sur les hanches, dévoilant subtilement des dessous chics et affriolant, sont ici d’autres marques caractéristiques de cette créature à l’allure féline et au mystère intacte.
Jamais loin de ces messieurs, on n’admirera aussi ces dames dont je ne saurai manquer de rendre hommage aux différents styles. Parmi elles je vous présente :
LA TONTONNE OU LE GARS : Férue du look Sportwear (casquettes et baskets) jamais, au grand jamais, sa masculinité ne sera insultée par le port d’une robe. Vous leur dites : « robe ? », elles vous répondent : « sacrilège ! »
LA BELLA : Alter ego lesbien du koudjé discret, quoi qu’elle dise ou fasse. American manucure ou extensions débordantes de mèches brésiliennes, il y’aura toujours un détail qui trahira son homosexualité : tatouages, chevillières ou bagues explicitement placées où et comme il faut. Trêve de bavardage les reines des dancefloor sont connues et le message est passé à qui de droit.
LA CROSS OU LA NYIEE : Généralement issue des rangs de nos corps armés et de défense, elles excellent dans l’art de troquer leurs uniformes en treillis de jour, avec un look total cover de cuir ou de jeans la nuit, mais n’hésite pas, au besoin et quand les circonstances l’exigent de taquiner le Kabba Ngondo (robe traditionnelle camerounaise faite en tissus de pagne) ou à jouer avec le look jupette, chemisier sexy, bretelles avec bottines de cuir ou sebago.
Le fil conducteur entre ces différents groupes est le malin plaisir qu’ils ont tous et toutes à accessoiriser leur tenue (écharpes, chapeaux, colliers, bagues, lunettes et ceintures) question de les rendre plus personnelles les unes les autres, les couleurs arc-en-ciel étant toujours mises à l’honneur. Mais je ne saurai terminer sans parler du in des in actuel. Le sac polochon ou sac 24heures. Vive les sacs XXL. Moins subtiles mais pas moins élégants, ils ont l’avantage de brouiller les pistes car, de loin on dirait un sac de voyage ou un fourre-tout pour le sport. Ils égarent ainsi avec chic le profane et interpelle à grand cris les initiés.
Si les vêtements ici en disent long sur la personne, les coiffures quant à elles sont encore plus bavardes et nous en disent parfois encore plus sur celui ou celle qui l’arbore, la tendance étant aux coupes taillées en strates étagées ou aux différentes variantes de Dread locks façon Flavour (que presque tous adulent).
Sensuels jusqu’au bout des lèvres, les membres de la communauté LGBTI du Cameroun pratiquent l’audace et la séduction comme leurs frères et sœurs hétéros se signent devant l’inconnu, avec un irrespect mâtiné d’élégance conjuguée dans tous ses temps. Un tour de passe-passe vestimentaire et ils deviennent la cible émouvante de tous vos regards.
Cet univers où tout semble briller, se poursuit et se vit pour d’aucuns ; militant d’un jour, militant a vie ! Chacun à sa manière. Mais pour une autre majorité, la magie s’estompe aux premières lueurs du jour et telles des ombres chinoises, se fondent incognito dans l’univers vestimentaire insipide de la masse du monsieur et de madame tout le monde. C’est aussi cela le prix de l’acceptation au Cameroun.