Codes Vestimentaires

Par Tanlume Enyatseng. Photos de Giancarlo Calaméo LaGuerta

Enfant, mon style vestimentaire n’était pas très habillé. Déjà à dix ans, je préférais porter des collants en latex vert fluo, des t-shirts teintés et des sandales – le résultat étant habituellement désastreux. J’enviais ces garçons à l’apparence plus soignée ; ceux qui pouvaient se pavaner sans peine dans leurs pantalons taillés sur mesure, rehaussés de chemises de golf impeccables. Mais au fond, j’étais un hipster, toujours dans une brocante à la recherche d’une bonne affaire, une veste en peau de serpent par exemple, ce qui, pour une raison quelconque, il me fallait absolument posséder.

J’expérimentais constamment avec mon habillement ; ce qui explique une certaine photo de moi, à deux ans, dans une robe de bal des années 80, criarde et mal ajustée. Oui, une ROBE ! Ma mère était complice dans ce genre de combine ; elle adorait nous mettre, mes sœurs aînées et moi, dans divers accoutrements ridicules. Je crois qu’elle ne s’était pas encore faite à l’idée d’avoir un fils, en tout cas, pas avant que mon petit frère ne naisse.

Je pense sincèrement qu’il y avait des moments où je perdais complètement la raison. Permettez-moi donc de vous présenter quelque unes de mes catastrophes
vestimentaires…
En 1999, j’étais un petit garçon insouciant de onze ans, obsédé par les Spice Girls. Y-a- t-il jamais eu un temps où les chaussettes montantes Nike allaient bien avec un short en jean et un polo Lacoste rose ? J’étais peut-être satisfait de ma tenue, mais sur la photo qui avait été prise ce jour-là, je suis maigre et arbore un air gêné. Mes cheveux sont coiffés en Afro, les débuts de la puberté ont rendu ma peau grasse et les baguettes qui me servent de jambes s’inclinent dans un angle plutôt bizarre, comme celles de Bambi lorsqu’elle apprend à marcher pour la première fois.

Deux ans plus tard, je remontais le sentier infernal de l’adolescence. Autrement dit, j’étais un crétin accompli.

Et mes vêtements le reflétaient bien. J’étais également en pleine transition du privé au public et les gars de ma nouvelle école étaient très rigoureux pour ce qui était de renforcer l’ordre hiérarchique. Si vous n’étiez pas grand et musclé, vous deveniez facilement une cible. Vous deveniez un paria confiné aux recoins obscurs de la cantine, ou pire.

Dieu seul sait comment j’avais réussi à leur échapper et à éviter d’être à la fois traité de ringard et de faire l’objet de moqueries. Une fois la peur de me faire harceler dissipée – et toute ambition de devenir populaire envolée – je m’attelais à explorer mes fantaisies vestimentaires.

A l’époque, je m’inspirais des clips de Kwaito, et cette brève période passée dans la sous-culture Manyora eut un effet intéressant sur mon style. Fini les shorts à carreaux et les accessoires Nike. A la place, des ensembles deux pièces Dickies, des Converse et des chapeaux à godets. J’étais le mec qui essayait d’attirer l’attention grâce à ses vêtements et en faisait un peu trop. J’ai même une fois porté une toge en soie (façon Trompies) pour venir à l’école.

Heureusement, je me remettais vite de cette phase et me résolvais à expérimenter avec un style plus sobre. A 18 ans, j’alternais entre un style mode et hippie (inspiré par ma nouvelle obsession du cinéma français). C’était une approche plutôt schizophrène à l’habillement, mais qui avait quand même fini par me donner un style avant-gardiste.

Néanmoins, il exigeait que je dévalise la garde-robe de ma mère pour trouver le pull vintage ou la chemise à imprimé floral parfaite. Je me prenais vraiment pour Serge Gainsbourg.

En 2008, Gossip Girl devint la nouvelle mode. Ceci donna naissance à ma phase métrosexuelle, et avec, une nouvelle ère de mode de mauvais goût. Ce n’est que lorsque mon ami Tshepiso et moi nous réveillions un matin à Johannesburg, revêtus de jeans moulants bleus clairs assortis et de nœuds papillons à pois, que je me rendis compte que nous avions poussé la blague un peu trop loin. « Sacré Chucker ! »

L’année dernière, je découvris l’art de bloguer sur la mode, ainsi que les merveilles de partager ses écrits sur le vaste monde de l’internet. Mon style commença à refléter le mode de vie que je croyais mener.

Mais pas de la meilleure manière. J’abusais des jeans moulants, des chaussures bateau et des chapeaux Amish. Je tenais tellement à être cool. Je grimace à chaque fois que je revois une photo de cette période. J’étais arrivé au point où j’étais convaincu que je pouvais lancer une gamme de Dashikis Tiers Monde Hipster.

Aujourd’hui, j’ai abandonné l’attitude « chaque-jour- que-dieu- fait-est- un-photo- shoot-de-mode- urbaine ». Je me focalise désormais beaucoup plus sur le confort, en prenant note des looks de n’importe quelle ère qui m’intéresse, et en adaptant ceux-ci à mon propre style et à ma taille. C’est sûr que j’ai l’air d’un idiot parfois. Et au grand bonheur de beaucoup, certains de ces moments ont été « immortalisés » sur films. Mais je trouve que la mode, ça devrait être amusant et loufoque, joviale et audacieux. Alors quand je regarde ces précieuses photos, moi aussi je ne peux m’empêcher de sourire.