Les Multiples Facettes de la Passion: Une Conversation avec Yos Clark
Propos recueillis par Ruth Lu. Photos par Studiio Peter Michael, Yos Clark & Valentin Fabre
Danseur, photographe, mannequin, chanteur et plus encore, Yos Clark est un artiste originaire de la Côte d’ivoire. Au cours d’une conversation pleine d’énergie et de passion, il s’est ouvert à Q-zine sur un pan de sa vie d’artiste, de danseur notamment. Au fil des lignes, découvrez son parcours dans le monde de la danse ainsi que ses aspirations d’artiste.
Est-ce que tu pourrais te présenter à nos lectrices-teurs?
Je m’appelle Yos Clark. Je suis danseur, mannequin, et aussi un peu chanteur. Je vis en Angleterre. Si je devais me décrire en un seul mot, ce serait “passionné”. C’est la passion qui me guide dans tout ce que je fais. La danse par exemple, c’est par pure passion que j’ai commencé. C’est pareil pour la photo que j’ai commencé pratiquement au même moment que la danse, de même que pour la chanson. J’ai toujours été guidé par la passion. Pour la chanson, à l’époque, j’avais tendance à écouter beaucoup d’opéra. C’était au moment où j’avais commencé à danser. Je n’écoutais que de l’opéra et il m’arrivait de reproduire certaines chansons.
D’où est venue cette passion pour la danse ?
Quand j’étais plus jeune, je devais avoir huit ans, il y avait une émission qui passait à la télé qui s’appelait “Un, Dos, Tres”. Cette émission relatait la vie d’étudiants en art tel que la peinture, la musique, l’acting, la danse, etc. J’étais captivé par le volet danse. Il y avait cette beauté de la danse qui m’attirait. Malgré les peines qu’ils pouvaient vivre en tant que danseurs, ils avaient toujours cette capacité de donner d’eux mêmes, de donner à leur audience les plus beaux mouvements. Et à cet âge, j’étais tout simplement émerveillé! À huit ans, j’étais trop timide et trop jeune pour mettre les mots sur ce nouveau centre d’intérêt, alors je gardais ça pour moi. Quand je jouais avec mes amis, il m’arrivait de faire le grand écart pour essayer de me rendre souple. À l’école aussi, j’essayais de garder cette souplesse en me donnant à fond en cours de gymnastique. Puis vers l’âge de quinze ans, j’ai commencé à m’intéresser un peu plus à la danse. Je faisais beaucoup de recherches. Quand j’ai ouvert mon compte Facebook, j’envoyais des demandes d’amis à pratiquement que des danseurs. Ma première demande d’amis, après mon père, était à un danseur [rires].
Beaucoup de temps s’est écoulé entre le moment où j’ai découvert la danse à huit ans et le moment où j’ai réellement commencé à l’explorer. En tant qu’africains, en tant qu’hommes, on a tendance à avoir des préjugés sur les gens qui aiment la danse classique, et je pense que c’était ça qui m’avait un peu freiné. Je ne sais pas si à l’époque j’aurais pu être en mesure de mettre ces mots dessus mais on a tous cette image de la danse classique avec les petites filles et leur tutu rose. On n’associe généralement pas les petits garçons à ce domaine alors j’ai laissé le temps passer. Puis, il est arrivé un moment où il fallait vraiment que je m’exprime et les choses se sont faites naturellement.
Comment est-ce que tu as débuté dans le monde de la danse ?
À 15 ans, je ne dansais pas pleinement parce que j’allais encore à l’école. La danse était juste un passe-temps. Mais la majeure partie des ivoiriens savent danser. Je pense que c’est dans nos gènes [rires]. Donc je dansais quand même. J’avais Michael Jackson comme référence. À l’école, il m’arrivait d’imiter ses pas de danse. Je me mettais sur la pointe des pieds et j’imitais ses mouvements.
J’ai vraiment commencé à danser vers l’âge de 17 ans quand je n’allais plus à l’école. J’avais beaucoup de temps libre alors c’était en quelque sorte un exutoire pour moi parce que quand j’étais à la maison, je n’avais pas toujours le moral. Il fallait donc que je trouve quelque chose pour m’évader. Au début, je faisais beaucoup de recherches, je regardais des vidéos, j’essayais de reproduire des pas de danse. J’étais principalement autodidacte. Et puis j’ai continué à me faire des amis dans le milieu sur Facebook, à me prendre en photos, à poster et c’est parti de là. Maintenant, je suis dans une école de danse.
J’ai commencé avec la danse classique et j’ai progressivement évolué vers la danse contemporaine. C’est un univers qui me parle beaucoup plus. Je m’y sens plus libre que dans le milieu de la danse classique ou c’est plus rigide, il y a plus de règles. En danse contemporaine, c’est vraiment moi qui m’exprime. J’arrive à faire ressortir mon identité, à raconter ma propre histoire, à y mettre mon propre vécu. C’est quelque chose qui me parle beaucoup plus.
Comment décrirais-tu ton année 2020 avec tout ce qui s’est passé ?
Je suis revenu en Angleterre en 2020 et le confinement a commencé quelque temps après. Sur le coup, je l’ai vécu un peu comme une catastrophe. À peine arrivé pour mes études, je tombais dans cette situation. Je me disais que j’étais en quelque sorte maudit parce qu’après tout ce que j’avais eu à traverser pour arriver en Angleterre, je me retrouvais encore face à un autre problème. Avec les restrictions liées au visa, je me demandais comment j’allais pouvoir finir ma formation et c’était vraiment stressant parce que je ne voyais pas d’autre issue. Je me posais beaucoup de questions sur ce qu’il allait advenir de ma vie. C’est une période que j’ai vécu assez difficilement.
Nos cours se passaient intégralement en ligne, chose que j’avais déjà expérimenté par le passé puisqu’après avoir été autodidacte, j’avais réussi à avoir une prof en ligne pour me donner des cours. C’était donc un modèle d’apprentissage auquel j’étais quelque peu habitué. Cependant, prendre des cours de danse en ligne, ce n’était vraiment pas idéal. Danser dans un espace limité, avec une connexion internet qui pouvait être instable, était loin de ce que je m’étais imaginé. Mais j’ai réussi à surmonter tout ça, à me remonter le moral et j’ai continué à poster davantage [de photos] sur les réseaux sociaux.
J’ai même ouvert un nouveaux compte où je postais beaucoup plus sur la mode. Je voulais dissocier ma passion pour la danse de ma passion pour la mode pour être plus en harmonie avec mes différentes audiences. Puis, je me suis rendu compte que les gens aimaient mon contenu. Grâce à ce compte, j’ai été repéré par une organisation de la London Fashion Week qui s’intéressait à mon travail. Ils m’ont proposé de faire une vidéo avec eux. On a travaillé avec 10 autres designers avec qui cette organisation avait l’habitude de travailler. La vidéo a été publiée sur le site de la London Fashion Week et il y a eu un article publié dans Vogue Italia. Donc voilà, c’est vrai que 2020 a mal commencé pour moi, mais éventuellement, tout s’est bien terminé. Je suis très reconnaissant pour tout ce parcours et je me dit que ce n’est que le début. Il y a beaucoup de choses en préparation!
Après tout ce que tu as eu à traverser pour pouvoir pleinement exercer et exprimer ta passion, comment-est-ce que tu envisages l’avenir ?
Je me dis qu’il y a un avenir brillant qui m’attend. Dans la vie, il y aura toujours des hauts et des bas; mais c’est surtout la manière dont on aborde les défis, les personnes avec qui l’on s’entoure mais aussi les opportunités qui se présentent qui font la différence. Je me suis rendu compte qu’à chaque fois que je planifiais quelque chose, rien ne se passait comme prévu. Par exemple, quand j’ai commencé les cours de danse en ligne alors que j’étais encore à Abidjan, j’étais censé retrouver ma prof de danse en France. Mais ceci n’est jamais arrivé. Et la vie a fait qu’avec l’Afrique a Un Incroyable Talent, elle même a pu venir sur Abidjan et on a pu se rencontrer en personne. Donc maintenant, je ne me torture plus à trop planifier. Je garde en vue mes objectifs sur le long terme et je prends le présent comme il se présente parce que je sais que la vie est imprévisible. Je laisse juste faire la vie et puis on découvrira ensemble ce qui arrivera.
Lorsque tu repenses à ton parcours, depuis le petit garçon émerveillé par le monde de la danse à l’homme passionné et confiant que tu es aujourd’hui, quel message laisserais-tu aux petits garçons comme toi ?
Le message le plus important que je pourrais leur laisser, c’est d’être vrai envers eux-même, d’être authentique et de s’aimer comme ils sont. Comme on l’entend souvent, si tu ne t’aimes pas toi-même, comment est-ce que tu peux aimer les autres. Donc qu’ils se donnent à eux-mêmes cet amour et qu’ils suivent leurs passions. Un conseil que mon père m’a donné quand je commençais la danse, c’est qu’on ne fait rien de mieux que ce qu’on aime. Et au fil de mon parcours, je me suis rendu compte à quel point ceci était vrai. La photographie par exemple, c’est quelque chose que je n’ai jamais appris. La danse, j’ai commencé avec les moyens de bords et ce, malgré toutes les contraintes. Et j’ai quand même réussi à faire mon petit bout de chemin, et j’en suis très heureux. Je n’ai vraiment pas de regrets. Alors je les encourage à vivre pour leurs passions et à se donner les moyens d’y arriver. C’est vraiment la meilleure des choses!
Quel est ton rêve le plus fou en tant qu’artiste ?
En tant que danseur, mon rêve est de rejoindre une compagnie de danse. Il y a des compagnies de danse que j’aimerai pouvoir rejoindre. Ce sont des compagnies que je vise et qui sont en phase avec mes aspirations et répondent à mes attentes en termes de qualité. Éventuellement, j’aimerai mener une carrière solo. Je suis une personne assez indépendante, j’aime bien improviser dans mon art, m’exprimer au rythme de la musique. C’est quelque chose qui me permet de me renouveler à chaque fois, de me découvrir. Mener une carrière solo me permettrait donc de me libérer de toutes les restrictions que l’on peut rencontrer lorsque que l’on travaille dans un cadre limité.
En plus de cela, je rêve de pouvoir devenir chorégraphe et d’ouvrir une école de danse ou d’art en Côte d’Ivoire. Peut-être pas à Abidjan où il y a déjà pas mal d’opportunités, mais à l’intérieur du pays, histoire de donner une chance à d’autres jeunes passionnés d’art comme moi. Quand j’ai commencé, je n’avais pas les moyens de poursuivre mon art autant que je le voulais, donc je connais un peu la situation dans laquelle beaucoup de danseurs ivoiriens se trouvent.
Et enfin, j’aspire à pouvoir un jour fusionner mes passions – la danse, la photographie et même le mannequinat – en un seul et unique projet. Il n’y a pas de photographe spécialisé en danse en Côte d’Ivoire par exemple, alors c’est quelque chose que j’aimerai explorer et apporter à mon pays. C’est une chose sur laquelle je devrais beaucoup travailler pour pouvoir peaufiner la vision finale avant de pouvoir me lancer mais on verra comment la vie me surprendra!